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L’agoraphobie "au quotidien"

L’agoraphobie n’est pas seulement un trouble occasionnel.
Ça n’est pas juste une douleur qui survient par moment, c’est présent en permanence. Lorsqu’elle s’installe dans la vie, elle peut affecter presque tous les aspects du quotidien. J’avais l’impression que c’était elle qui dirigeait ma vie. C’était elle qui me dictait ce que je pouvais faire, avec qui je pouvais être et où je pouvais aller.
Tout ça a bien évidemment des conséquences, voici ce que cela peut signifier concrètement.


Impact sur la vie personnelle

Une amie m’a proposé plusieurs fois d’aller à un concert, j’ai toujours décliné l’invitation. Pour moi, ça n’était même pas envisageable de me rendre à un concert. Rien que d’imaginer toute cette foule, avoir le sentiment de me sentir prisonnière me pétrifiait. Alors, je lui mentais : « Désolée, je travaille beaucoup en ce moment, je suis fatiguée... » et des exemples comme celui-ci, je pourrais en évoquer des dizaines. 
En réalité, je me sentais prisonnière de mon propre esprit. À force de décliner les invitations, je me repliai sur moi-même, je ne voyais plus personne. 
 
Les défis du quotidien : 
 
Faire des courses devient une épreuve. J’ai longtemps évité les supermarchés bondés et me suis tourné vers les commandes en ligne. 
 
Aller au travail, être entouré de collègues et de clients devenait à la longue une grande épreuve qui me prenait beaucoup d’énergie. Je n’avais pas le choix mais certains jours je pouvais à peine sortir du lit tellement j’étais épuisée. 
 
Même sortir faire le tour du pâté de maisons devenait impossible certains jours. 
 
L’isolement : 
 
Petit à petit, j’ai commencé à dire « non » aux invitations, aux sorties… Non pas parce que je ne voulais pas voir ma famille ou mes amis, bien au contraire, mais parce que je n’avais plus l’énergie de gérer mes peurs.
Il faut savoir que dès que l’on s’apprête à sortir, c’est tout un travail mental en amont et cela prend énormément d’énergie. Résultat, je me suis sentie de plus en plus seule. 

Impact sur la vie sociale

L’agoraphobie peut aussi affecter nos relations avec les autres. J’ai souvent décliné des invitations au dernier moment à cause de l’anxiété qui prenait le dessus avant de partir. Pourtant, je voulais vraiment me rendre à ces événements, j’étais souvent prête à partir mais au moment de franchir la porte la peur l’emportait. J’envoyais donc un message d’excuses du genre : « Je suis malade, je ne vais pas pouvoir venir, désolé. »
Encore une soirée isolée. 
 
Ce que fait l’agoraphobie à nos relations : 
 
La peur d’être jugé(e) : On a souvent l’impression que les autres ne comprendront pas. Comment expliquer qu’on ne peut pas sortir de chez soi sans qu’ils pensent qu’on exagère ? 
 
L’évitement : par peur de décevoir ou de ne pas être à la « hauteur », on finit par s’éloigner de ses amis et de sa famille.
 
Le sentiment de culpabilité : Après chaque rendez-vous manqué, chaque excuse inventée, la culpabilité grandit. On se dit : « Ils vont finir par se lasser de moi. » 
 
 

Impact sur la vie professionnelle

L’agoraphobie ne s’arrête pas à la porte de la maison. Elle peut avoir des répercussions sur la vie professionnelle.
Dans mon cas, me rendre sur mon lieu de travail tous les jours était une véritable épreuve. Chaque journée était une source de stress immense. Et chaque événement imprévu devenait une montagne à gravir. 

Les différentes difficultés fréquentes au travail :
 
Aller sur place : dans mon ancien métier, il fallait que je me rende sur place tous les jours, dans le commerce on ne peut pas faire de télétravail, c’était pour moi un cauchemar. Pendant 10 ans, j’ai eu l’impression de mourir tous les jours. Dès que j’approchais de mon lieu de travail, j’avais une énorme boule au ventre, les jambes qui flageolaient, des difficultés à respirer et je devais tenir 9 h en étant stressée. 
 
Interactions sociales : les discussions avec les collègues pouvaient devenir angoissantes car j’avais peur qu’ils voient que quelque chose n’allait pas. Souvent, une de mes collègues me demandait si j’étais contrariée ou si j’avais quelque chose contre elle car je ne souriais plus, j’étais dans ma bulle. J’avais juste envie de partir en courant et de me mettre à l’abri dans mon cocon. 
 
Manque de concentration : quand on est constamment sur le qui-vive, il est difficile de se concentrer sur ses tâches. Tout semble secondaire par rapport à cette bataille intérieure. 
 
La conséquence principale est que pour beaucoup cela peut mener à une perte de confiance en soi et, dans certains cas, à des arrêts de travail prolongés ou à une reconversion forcée. 
 
La boucle de l’évitement : une prison invisible 
 
Ce qui rend l’agoraphobie si envahissante, c’est la façon dont elle nous pousse à éviter de plus en plus de situations.
Au début, on évite les foules, puis les petits trajets, puis certaines pièces de la maison peuvent devenir inconfortables. Plus on évite, plus la peur grandit. C’est un cercle vicieux difficile à briser. 
 
Je me souviens d’une période où j’avais réduit ma vie à un périmètre très restreint : les quelques pièces de mon appartement. J’essayais de me poser de temps en temps sur le balcon mais ça ne durait jamais très longtemps. Le fait que des personnes puissent me voir ne me mettait pas du tout à l’aise. J’étais bien évidemment obligé d’aller travailler mais dès que je le pouvais je restais « en sécurité ». Mais plus je restais en « sécurité », plus cette sécurité devenait fragile. 
 
Comment cette expérience peut transformer notre vision du monde 
 
Malgré tout, cette période m’a aussi permis de mieux me comprendre. 
L’agoraphobie force à ralentir, à regarder en soi et à réévaluer ce qui compte vraiment. 
Par exemple, j’ai appris à apprécier les petits moments de calme, comme lire un livre ou écouter de la musique. 
J’ai compris l’importance de m’entourer de personnes bienveillantes qui ne me jugent pas.
Et surtout j’ai réalisé que même si cette peur me semblait insurmontable, elle n’était qu’une partie de moi, et non toute ma vie. 
 
Si vous vous reconnaissez dans ces descriptions, sachez que vous n’êtes pas seul(e). Ce que vous vivez peut sembler insurmontable, mais il est possible de sortir de ce cercle vicieux, petit à petit, à votre rythme. 
 
L’agoraphobie peut avoir un impact énorme sur tous les aspects de la vie quotidienne. Elle peut sembler nous isoler et nous limiter. 
Mais en comprenant ces mécanismes, en identifiant les schémas d’évitement et en prenant conscience de nos ressentis, on peut commencer à envisager des solutions pour se libérer de cette prison intérieure.
 



 
Faustine GRENIER